• BULLE OBLIGATAIRE

    Finalement, le problème n’est pas de savoir si le changement interviendra en septembre ou en décembre, mais il est que ce changement interviendra « à horizon visible ». Les investisseurs ne reviendront sur le marché obligataire qu’une fois que les taux longs se seront ajustés. 

    De combien ces dernier peuvent-ils alors remonter ? Nous anticipons une hausse supplémentaire d’environ 100 pb du taux américain à 10 ans. La dégradation du marché obligataire est un réel problème pour les investisseurs et un risque pour le marché actions. Christian Parisot, directeur de la recherche - chef économiste (Aurel BGC)

    Vers une explosion de la « bulle obligataire » ? Ces dernières semaines, des mouvements violents sont intervenus sur les marchés obligataires. Au mois de mai, la chute des cours des obligations du Trésor américain est la 12ème plus forte correction mensuelle depuis 1990 ! Certes, en points de base, la remontée des taux
    d’intérêt est limitée, mais la faiblesse des taux nominaux augmente la sensibilité des cours obligataires aux mouvements des taux. Comme toujours ces tensions sur les taux longs américains ont affecté l’ensemble des marchés obligataires dans le monde et se sont transmises à tous les compartiments des marchés financiers. Les obligations corporates et celles des pays émergents sont affectées. Ces pays se financent essentiellement sur les marchés en dollar et sont donc très sensibles aux anticipations de politique monétaire du Fed et au comportement du marché obligataire américain. Cette sensibilité est particulièrement importante pour les pays asiatiques et d’Amérique Latine
    Cette réaction des marchés obligataires peut paraître excessive, alors que les membres du FOMC débattent seulement de la nécessité, ou pas, de réduire les achats d’obligations de la banque centrale de l’ordre de 10 à 20 Mds $ par mois sur les 85 Mds $ achetés mensuellement. De plus, cette décision pourrait ne pas intervenir avant septembre, voire au quatrième trimestre. 

    La banque centrale ne va pas surprendre les investisseurs à l’issue d’un FOMC. Les minutes ou la prochaine conférence de presse de M. Bernanke prépareront les investisseurs.

    Le krach de 1994, un mauvais exemple.
    L’évocation d’un risque de correction du marché obligataire ramène immédiatement le souvenir du krach de 1994. Toutefois, la situation économique actuelle est très différente. En 1994, l’économie américaine était en net redressement. Pour mémoire, la croissance du PIB, en volume et en glissement sur un an, était de 3,5% au premier trimestre 1994. Les investisseurs anticipaient une hausse de l’inflation, en février 1994, le Fed a validé ces craintes en remontant ses taux directeurs. Les investisseurs ont alors estimé que la banque centrale avait sous-estimé ce risque inflationniste, qu’elle était en retard, et qu’elle devrait par conséquent continuer à remonter sensiblement ses taux directeurs. De janvier à novembre 1994, les taux réels apparents (taux nominaux – dernier taux d’inflation connu) ont fortement augmenté. La dégradation du marché obligataire était avant tout liée à des anticipations inflationnistes dans un environnement de forte croissance de l’économie américaine.

    « QE » et krach obligataire.
     La situation actuelle est très différente. Le PIB américain a progressé de 2,2% sur un an, et de 2,4% sur un trimestre en rythme annuel, au premier trimestre. En avril, les prix à la consommation étaient en hausse de 1,1% sur un an, en net ralentissement. L’inflation était de 2,3% en avril 2012 et de 3,0% le même mois en 2011. En tendance, l’inflation a nettement diminué ces dernières années. Le salaire horaire moyen progressait sur un rythme d’à peine de 2% par an au mois de mai et les prix des matières premières industrielles et énergétiques sont en recul. Face à un faible pricing power des entreprises américaines, les risques inflationnistes sont faibles. Entre une croissance du PIB en volume faible et un risque inflationniste limité, les taux réels sur les taux d’Etat n’ont aucune raison fondamentale d’augmenter sensiblement.
     Le problème est plus lié à l’impact du « QE » sur les taux. En effet, il est difficile de justifier le maintien de taux réels négatif sur la partie court de la courbe des taux (jusqu’à la maturité 5 ans) alors que l’inflation est aussi faible et que l’économie américaine n’est pas en récession. De fait, le Fed revendique le fait que ses achats maintiennent artificiellement les taux d’intérêt à un niveau extrêmement bas. Le but est de soutenir la croissance de l’activité économique en stimulant l’investissement des entreprises et les achats immobiliers des ménages. La banque centrale admet implicitement affecter l’équilibre offre/demande sur le marché obligataire. Les taux d’intérêt seraient plus élevés si la banque centrale n’achetait un montant important de titres sur le marché chaque mois. Le but du « QE » est de créer une « bulle » sur le marché obligataire. L’arrêt des achats du Fed ne peut que se traduire par une remontée des taux longs.
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    L’argument principal des membres du FOMC est de dire que ces achats vont être réduits progressivement. Les taux longs ne doivent, par conséquent remonter que progressivement. Le problème est qu’un « gérant rationnel » sait que le marché obligataire est artificiellement cher, qu’il existe une « bulle ». Il peut investir sur les taux longs tant que la banque centrale achète, mais, dès qu’elle va réduire ses achats, même marginalement, il est certain que les taux longs vont remonter. S’il est certain que la Fed s’apprête à changer de politique monétaire, il doit vendre ses obligations à long terme…

    Peut-on éviter un « krach » ?
    Finalement, le problème n’est pas de savoir si le changement interviendra en septembre ou en décembre, mais il est que ce changement interviendra « à horizon visible ». Les investisseurs ne reviendront sur le marché obligataire qu’une fois que les taux longs se seront ajustés. De combien ces dernier peuvent-ils alors remonter ? Nous l’avons vu, rien ne justifie une forte hausse des taux. La croissance américaine est trop faible. De plus, au regard de l’aversion au risque des investisseurs, sur les rendements réels des obligations d’Etat remontent, ils seront tentés d’acheter des titres d’Etat. 

    Pour l’économiste, les taux nominaux américains resteront bas. Nous anticipons une hausse supplémentaire d’environ 100 pb du taux américain à 10 ans. Pour le gérant obligataire, une hausse de cette nature des taux longs est clairement un « krach »…
    Un risque pour le marché actions.
    La dégradation du marché obligataire est un réel problème pour les investisseurs :

    1. aux Etats-Unis, la remontée des taux des obligations des entreprises est un frein au levier financier des entreprises américaines : les rachats d’actions financés par endettement sont moins intéressant, même si, dans l’absolu, les taux restent bas. La notation des entreprises endettées sera plus rapidement sous pression avec une remontée des taux et il sera plus difficile à des entreprises d’annoncer des programmes de plusieurs milliards de dollars.

    2. une remontée des taux sans risque rend les valeurs de rendement, qui versent parfois un dividende supérieur au coupon sur leur dette, moins attrayantes. Une remontée des taux longs est aussi un frein, toutes choses égales par ailleurs, à la croissance économique. Les valeurs cycliques seront forcément affectées.

    3. si les taux sans risque remontent, le mouvement d’arbitrage massif des liquidités du marché obligataire vers les actions est moins évident. Une fois les taux réel à un niveau « correct », l’appétit
    des investisseurs pour le marché actions pourrait nettement reculer. Une autre façon de dire les choses est que, mécaniquement, dans les modèles de valorisation des actions, la prime de risque recule. Les objectifs de cours ne peuvent pas être révisés à la hausse, à projection de bénéfice par actions inchangées.

    Le « risque politique monétaire » restera la thématique dominante sur les marchés dans les prochaines semaines. Le risque est centré sur les Etats-Unis et sur le discours des membres du FOMC. Mais il sera difficile pour la banque centrale d’éviter un ajustement brutal du marché obligataire. 

    Le « QE » ne pouvant se poursuivre éternellement, la poursuite de la remontée des taux longs dans les prochaines semaines est acquise…
    Au cours des deux à trois dernières semaines, les marchés du crédit ont subi une correction.

    « la sto va croiser ? »

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